Le secteur de l'audiovisuel connaît une crise de l'emploi qui doit être surmontée pour l'avenir de la création et du numérique. Crise structurelle en premier lieu que la récession actuelle vient accentuer. Elle concerne les intermittents. Il s'agit à la fois d'emplois et de salariés. Dans l'un et l'autre cas, une situation fragile étroitement liée à la spécificité de l'activité de création et de production de contenus notamment audiovisuels dont le rythme est pour chaque cas limité dans le temps, provisoire et donc intermittent.Une population de salariés dont le régime social reste déficitaire, les cotisations étant inférieures aux indemnités versées. Ce déficit dure depuis longtemps. Des crises éclatent régulièrement. Des solutions provisoires sont alors mises en œuvre. Mais la situation reste instable.Il est probable que cette instabilité, cette précarité et le chômage des intermittents vont s'accentuer avec la crise générale qui voit l'activité se ralentir. Et on peut craindre que cette accentuation va se produire à partir de cet été à la sortie de la saisonnalité télévisuelle.Des mesures urgentes doivent être prises comme par exemples l'allégement provisoire des charges sociales, le déblocage rapide d'un volant supplémentaire d'activité et l'allongement de la visibilité du secteur via en particulier le renforcement du service public.Au-delà c'est à une résolution durable de la question de l'intermittence qu'il faut s'attaquer.Ce n'est en effet pas l'intermittence qui doit être remise en cause. Elle doit être au contraire confortée et pérennisée. Pour cela, il nous semble que la piste à suivre, expérimentée dans d'autres pays et dans d'autres secteurs, est ce qu'on appelle la "fléxicurité".
D'ailleurs, sur cette question générale, dans notre société de l'immatériel, l'intermittence peut devenir un exemple à suivre et à optimiser plutôt qu'une exception embarrassante comme aujourd'hui.
L'enjeu c'est la stabilité et le développement du cœur de la machine de création. Il est en effet tout à fait paradoxal et dangereux pour l'avenir des médias et du numérique que l'activité clef, à savoir la création et la production de contenus, repose en fait sur une population précarisée, celle des intermittents.
Le deuxième point concernant la crise de l'emploi dans le secteur de la création des contenus c'est la profonde mutation des métiers.
Ceux-ci, en effet, depuis quelques années se transforment profondément. Le numérique d'abord, la convergence entre l'audiovisuel et Internet ensuite bouleversent les savoir faire, les méthodes de travail, les schémas d'organisation et les métiers dans la production. Il faut maintenant penser global. La création ne peut plus être une démarche individuelle mais doit être collective. Le processus de production n'est plus construit sur une addition de compétences et une succession de tâches mais sur une synergie de compétences et une fusion de pratiques professionnelles. A cela s'ajoute bien entendu des qualifications nouvelles nées du développement du numérique et de l'apparition du web qu'il faut acquérir et réunir.
Cette mutation des métiers doit être appréhendée et organisée de manière globale. Au niveau du secteur.
Face à cette mutation un plan d'ensemble en matière de formation professionnelle continue doit être défini et mis en place.
Enfin, le renouvellement des générations. C'est un phénomène qui touche le secteur de la création et de la production de contenus notamment audiovisuels. Ceux qui ont commencé à travailler au début des années soixante dix, au moment donc de l'éclatement de l'"ORTF" et du deuxième bouleversement de la télévision avec la naissance des chaînes certes encore publiques mais indépendantes et concurrentes vont partir à la retraite. Et même certains en préretraite.
Au-delà du fait que ce mouvement coûte très cher d'une manière générale à notre société, il n'est pas admissible dans un secteur où les talents individuels restent la clef du développement, de laisser sortir de l'activité sans rien faire des professionnels qui ont accumulé du savoir faire qui reste aujourd'hui précieux.
Doit être organisé entre cette génération, avant qu'elle ne parte à la retraite et ceux qui entrent dans la profession sous forme de tutorat en particulier de tutorat d'"héritage" le passage de témoin et le transfert de compétences.
Le tutorat est un dispositif qui a été expérimenté et mis en place dans des entreprises et d'autres secteurs d'activité. Il s'agit de le mettre en place dans l'audiovisuel.
Et sur cette question le service public qui va se séparer de plus de 900 personnes à un devoir et une responsabilité particulières. D'autant plus qu'il sera conduit aussi à recruter des nouvelles générations pour faire face notamment au défi du média global.
Ainsi face à la crise de l'emploi dans la création et la production de contenus au-delà de mesures d'urgence nous proposons un plan de mutation prévoyant la mise en place de la flexicurité pour sécuriser les talents intermittents, une politique d'ensemble renforcée en matière de formation professionnelle continue pour assurer la mutation des métiers et la généralisation du tutorat vis-à-vis des plus jeunes afin de transmettre le savoir faire des ainés.
Philippe Chazal, Président du Club Galilée