Compte rendu de la session du 27/02/2017
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Présentation de l'étude du CSA
En introduction, Philippe Chazal rappelle le calendrier des prochaines sessions du Club Galilée : en mars avec la Préfète des Hauts de Seine sur les dispositifs publics régionaux et en fonction de l’actualité des sessions spéciales avec les représentants des partis de gouvernements, en avril une séance après le MIPTV avec les nouveaux responsables de l’audiovisuel français.
La distribution est une dimension de plus en plus centrale pour notre secteur ; c’est cette centralité qui va être en débat aujourd’hui.
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Nathalie Sonnac rappelle que le CSA a mis en œuvre une étude sur la distribution dont elle va présenter aujourd’hui quelques éléments ; cette analyse montre à propos de la distribution le processus de recomposition du paysage audiovisuel, un secteur qui vit de profondes mutations, que tous les interlocuteurs interrogés pour cette étude ont mis en évidence.
Nous avons tous intérêt à nous inscrire dans la situation d’aujourd’hui, à savoir un environnement de plus en plus concurrentiel, tant au niveau national qu’international. Si nous voulons nous développer le modèle doit évoluer.
Le CSA est prodistirbuteur, mais aussi proproducteur mais aussi proauteur.
Les changements de contexte importants ont profondément modifié l’activité de distribution, voici les quatre points principaux :
- Fragmentation des audiences de la télévision, cela est vrai en France et dans l’Europe entière, et procure une tension sur les ressources publicitaires qui restent la première source de financement du secteur, capable d’activer le levier de la création
- Multiplication du nombre d’acheteurs ; les plateformes ouvrent de nouvelles perspectives aux ayants droits
- Concurrence directe de pôles de développement nouveaux
- Mouvement de consolidation des groupes audiovisuels internationaux, présents sur de plus en plus de territoires
Il y a trois conséquences centrales sur l’activité du métier de distribution :
- Baisse du prix des acquisitions
- Augmentation du volume d’activité juridico-administrative
- Augmentation des différents postes de coûts : couts marketing (+ de salons), couts techniques, montant des minima garantis
Ainsi, tous les distributeurs ont dû augmenter les ventes en volume pour soutenir la rentabilité. Le CSA a identifié plusieurs leviers :
- Volume de catalogue frais (plusieurs saisons d’un même programme)
- Etendue des droits : bâtir une stratégie pour permettre une plus grande exploitation, remontée de recette aux ayants droits
- Positionnement en amont des projets
- Langue : autrefois présentée comme un obstacle à l’export lorsque le programme est en français, aujourd’hui il existe plusieurs versions d’un programme (mouvement de patrimonialisation)
- Promotion : capacité financière à monter des opérations marketing plus importantes
La distribution, une activité devenue complexe
Nathalie Sonnac explique que la distribution est donc une activité à risque, qui nécessite d’avoir une trésorerie solide. Elle ajoute que le rôle des distributeurs a connu une évolution majeure depuis 10 ans. S’il s’agissait auparavant d’une seule fonction commerciale, aujourd’hui le distributeur intervient de plus en plus en amont de la chaîne de valeur, grâce à des activités de prévente, coproduction, veille, conseil, aide au développement.
Dans ce nouvel écosystème, il faut lisser le modèle économique entre production et distribution. Les distributeurs cherchent également à détenir des programmes. Dans ce contexte, Nathalie Sonnac s’interroge sur une potentielle intégration. C’est un débat que nous avons déjà posé au Club. L’avantage d’une richesse du tissu productif, c’est l’incarnation de genres différents et l’agilité, et de l’autre côté, il y a peut-être le besoin d’entreprises de plus grande taille qui pourraient être moteur.
En conclusion, Nathalie Sonnac insiste sur trois axes stratégiques : le renforcement de la capacité des entreprises françaises pour pouvoir se positionner sur des projets ambitieux, la mise en œuvre du suivi prévu par accords professionnels et enfin le soutien de l’activité de l’exportation.
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Assurer le rayonnement international des créations françaises
Philippe Chazal donne la parole à Laetitia Recayte, présidente de France Télévisions Distribution afin de savoir comment elle voit ce paysage nouveau du point de vue d’un éditeur qui est aussi avec France Télévisions Distribution un distributeur. Elle précise tout d’abord que la distribution, c’est-à-dire le négoce des droits en dehors de la primo diffusion sur les antennes, désigne un large spectre pour France Télévisions. Car cela recoupe déjà 7 métiers : la distribution internationale mais également l’exploitation vidéo, les activités de merchandising, les activités musicales et spectacles, le publishing et les acticités de VOD à l’acte ou encore les chaînes Youtube. Un spectre large donc tant géographiquement qu’au niveau des interlocuteurs. Mais le point commun à tous, c’est le rayonnement des programmes diffusés sur les antennes de France Télévisions. Un aspect essentiel pour le groupe car il s’agit d’un acteur public et la tutelle a une préoccupation évidente quant au rayonnement des créations françaises.
Par ailleurs, le monde est de plus en plus ouvert, les bouleversements technologiques instaurent une nouvelle concurrence mondiale comme l’annonçait Nathalie Sonnac, il faut ainsi composer avec ce paysage élargi. Laetitia Recayte rappelle que le groupe investit 1 milliard d’euros par an dans les programmes. La suite du parcours est donc un enjeu réel. Elle analyse la situation ainsi : « On était éditeur de chaîne aujourd’hui on devient des éditeurs d’offres de programmes ». Ce qui implique une diffusion linéaire mais aussi une exploitation délinéarisée avec d’autres rythmes et d’autres expositions. Logiquement, dans ce cadre, l’accès aux programmes est essentiel.
Laetittia Recayte rappelle aussi la longue négociation sur la coproduction de programmes qui interroge l’exploitation et l’exposition des programmes, un enjeu crucial pour l’ensemble de la chaîne des droits. France Télévisions assure un rayonnement des contenus le plus large possible pas seulement international et c’est cette expertise qui est mise au service des producteurs.
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La parole à Emmanuelle Bouilhaguet pour la distribution au sein d’un groupe de production, Lagardère Studios. En guise d’introduction, elle note que cette session montre que le rôle du distributeur enfin considéré et remercie le CSA pour cet excellent rapport qui montre toutes les facettes du métier. Le groupe Lagardère Studios regroupe des sociétés de production variées, fortement identifiées et historiques, la structure de distribution existe depuis une vingtaine d’années donc assez longtemps. Emmanuelle Bouilhaguet met l’accent sur les évolutions importantes du marché dans le secteur de l’international, notamment pour le genre qui était plus difficilement exploitable de la fiction et qui connaît aujourd’hui une grande croissance à l’export, cela témoigne du savoir-faire français. Elle explique qu’à l’époque beaucoup de travail était effectué sur le marché local, quand l’activité à l’international était développée dans les secteur de l’animation et du documentaire.
« Aujourd’hui on est devenu des techniciens de plus en plus pointus »
Emmanuelle Bouilhaguet résume l’évolution du métier de distributeur ainsi : « avant les droits étaient assez basiques, mais avec l’émergence de la TNT, de la VOD et surtout de la SVOD, c’est le mélange des frontières et on doit essayer d’imaginer une stratégie : où vendre sur quels segments ». Au-delà de la capacité commerciale, les distributeurs ont acquis une capacité technique. Il y a de formidables opportunités, selon la directrice de Lagardère Studios Distribution.
Au sein de l’entreprise, coexistent deux mouvements parallèles, d’une part, la volonté de rationaliser avec une structure de distribution unique et, d’autre part, le souhait de se spécialiser sur certains aspects clés, en particulier la société DIFFA qui s’occupe plus spécifiquement du territoire africain ou encore Telmondis qui gère la captation de spectacles.
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Mathieu Bejot nous donne des éléments sur l’exportation de programmes et se montre rassurant. La France est bien placée notamment grâce à l’essor de la fiction. En l’espace de 10 ans, les ventes à l’international ont doublé pour un volume de production constant. Sur le format, le potentiel de vente est plus faible mais il reste difficile d’avoir des chiffres assez précis. Il observe également une hausse des ventes assez remarquable pour des prix moins importants de par la fragmentation des audiences et des acteurs. Il rappelle en complément que 80% des ventes se situent autour de moins de 5000€ de l’heure.
Renforcer les dispositifs de soutien de la filière de l’exportation
Sur les évolutions de la distribution Mathieu Béjot évoque les défis de la France qui a inventé plusieurs outils. TV France International est quasiment unique. Dans un certain nombre de pays, la prise en charge se fait par les syndicats de production ou les ministères, les structures dédiées demeurent assez rares. Le Fonds Soutien Export du CNC est quasiment unique sur la planète. Le contexte reste néanmoins extrêmement concurrentiel et l’équilibre fragile. Donc il faut renforcer ces outils pour accompagner les producteurs et les distributeurs.
Sur les aspects marketing du métier de la distribution, Mathieu Béjot prend l’exemple du continent africain sur lequel la Chine et la Corée sont aujourd’hui très présents, avec de la vente de programmes et d’équipements TNT. Il souligne aussi que ce sont des acteurs qui ont un soutien des pouvoirs publics assez impressionnant.
Philippe Chazal rappelle en complément que la France possède deux grands marché, le MIPTV et le MIPCOM et des festivals qu’il faut soutenir. Il donne ensuite la parole à Isabelle Queme pour le groupe Banijay.
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L’objectif du distributeur : créer de la valeur
Isabelle queme précise que le bureau principal de la distribution de Banijay est basé à Londres, avec deux exceptions : un bureau à Copenhague et un à Paris. L’objectif principal est l’acquisition de formats tiers pour les porter à l’international. Isabelle Queme témoigne également de la professionnalisation du métier avec des activités de back office de plus en plus importantes. Les équipes se sont musclées sur les plans juridique et business affairs, car le métier s’est complexifié et de nouveaux moyens de communication arrivent. Elle rappelle enfin sa mission principale : optimiser les droits auprès des producteurs pour créer de la valeur.
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Frank Soloveicik clôt cet échange avant la partie de la session dédiée aux questions. Il souhaite tout d’abord rendre hommage au CSA et à Nathalie Sonnac qui a fait émerger la partie invisible du secteur.
« Pas d’usufruit sans patrimoine »
Il insiste sur le fait que faire reconnaitre la réalité du métier de distribution c’est simplement redonner sa place à celui qui concourt à la chaine de valeur. Si on recontextualise le métier de distribution, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un partenaire efficace dans la conclusion de l’accord producteur/diffuseur, mais aussi dans le conflit producteur/auteur, sur la transparence des comptes d’exploitation. Le distributeur est présent sur ces fronts de manière opérationnelle, rappelle le président du SEDPA. Ainsi, on a pu faire valider le fait que le distributeur est l’allié du producteur et le partenaire du diffuseur et faire en sorte d’inscrire le secteur dans un cercle vertueux.
Selon Frank Soloveicik, un combat reste. Au plan européen, si la production et distribution cinéma sont aidées, la distribution audiovisuelle ne l’est pas. Il faut se battre pour une meilleure circulation des contenus européens. Il rappelle en conclusion que les mentalités sont lentes à faire évoluer. Dépasser le fait que l’art est noble et le business est vil est plus que jamais un enjeu de croissance.
Philippe Chazal ajoute avant les questions que la CPNEF et l’Afdas ont confié au Club Galilée et au CELSA, à nouveau associés, une étude sur le métier de la distribution pour faire l’inventaire des compétences que ce métier recouvre et notamment les nouvelles compétences qu’il faut maintenant acquérir avec les mutations dont on a précédemment parlé. N’oublions que pour faire progresser la filière de la distribution en France, il faut aussi que les professionnels aient les compétences nécessaires et que dans ce domaine-là le renforcement de la formation initiale et continue est nécessaire.
La seconde partie de la session est réservée aux questions des membres du Club.
Sur le rôle financier du distributeur, Emmanuelle Bouilhaguet précise qu’on lui demande d’être en amont quand il y a des soucis de financement. Dans ce cas, le minimum garanti peut être un élément de réponse. L’intérêt du distributeur est de se positionner en amont, au stade de l’aide au développement avec un accès privilégié à la distribution. Laetitia Recayte ajoute que France Télévisions garde un œil attentif sur qui va exploiter, dans l’optique de renforcer notre industrie nationale.
Sur l’impact de la valorisation du catalogue et la révision de la directive SMA. Emmanuelle Bouilhaguet précise que le SEDPA est très vigilant sur les questions de territorialité ; pour le distributeur la diffusion de contenus, gratuite sans restriction, serait une catastrophe dans un contexte où la notion d’exclusivité devient de plus en plus forte. Mathieu Béjot insiste sur le fait que la portabilité signifie la mort du business car 60% du CA se fait en Europe.
Sur la proportion de formats dans les catalogues, Emmanuelle Bouilhaguet explique que le groupe Lagardère possède beaucoup de formats de fiction mais qui représentent un pourcentage assez réduit de chiffre d’affaires, le flux n’est pas très exploité car peu exportable. Elle nuance néanmoins en précisant que si le groupe développe des formats avec un potentiel international, ce segment sera renforcé.
Nathalie Sonnac complète : « on a intégré la partie flux à l’étude car cela représente 60% du CA de tout ce qui est fabriqué, il manque encore la partie « qui fabrique quoi en quelle quantité », ce sera le dernier volet pour voir les modalités de changement et inciter la fabrication dans le genre qui marche le mieux. »
Laetitia Recayte observe que les formats qui naviguent sont pilotés par des groupes qui ont des filiales dans plusieurs pays et produisent des adaptations locales. Selon elle, les réalités de circulation des formats de flux, dont peu sont des créations originales, s’oppose parfois aux initiatives des diffuseurs. Il faut trouver des modèles pertinents économiquement.
Emmanuelle Bouilhaguet explique que le groupe Lagardère a une stratégie d’innovation et le diffuseur une perspective d’audience
Philippe Chazal analyse le retard français sur le marché des formats ; ce retard concerne deux volets : un retard en compétences et aussi en capacité à investir dans le développement et mutualiser les risques.
Isabelle Queme précise que, dans des groupes comme Banijay, c’est plusieurs territoires qui se réunissent et investissent pour que le format existe dans plusieurs pays. Cela reste à la base une volonté d’investissement des groupes. Elle regrette également que les grilles de programmes, telles qu’elles sont constituées, ne laissent que peu de place pour les petits formats.
Frank Soloveicik revient sur l’étude du CSA qui, selon lui, a toute son importance car on ne connait pas la volumétrie du nombre de sociétés et du volume d’emplois sur la distribution domestique, des chiffres importants aussi pour l’international. Il y a là un travail à actualiser au fur et à mesure, car avoir une connaissance parfaite de l’activité permettra de développer l’économie et le bassin d’emplois. Il résume ainsi « ce qui est bon pour la distribution, est bon pour l’ensemble de la filière.
En conclusion de cette session, Nathalie Sonnac plaide pour un modèle win win car le secteur de la distribution ne peut pas être compris sans celui de la production, création et de la diffusion. La télévision étant le principal financeur de la création audiovisuelle et cinématographique, l’avenir de la création dépend de la bonne santé du secteur audiovisuel, capable de contribuer à faire rayonner la France. Elle relève en particulier pour ce secteur de l’audiovisuel une asymétrie réglementaire et fiscale assez forte en comparaison avec les autres pays.
Prochaine session le 20 mars : sur le rôle des actions en régions des ministères avec notamment les DIRECCTE.