Compte rendu de la séance du 12 janvier 2009 sur l’exploitation des tendances en télévision.
En présence de Pascal Joséphe, Président d’IMCA, d’Anne Bouisset de Carat TVIM, et de Stéphane Distinguin, fondateur de Fabernovel, le Club Galilée a étudié l’exploitation des tendances dans les médias. Au terme de cette réunion, trois axes principaux ont pu émerger sur le rapport entre évolutions des tendances et medias. Tout d’abord, au travers de la présentation d’Anne Bouisset, s’est posé la question du rapport entre média et information, la société du futur sera-t-elle une société de contrôle ou une société de participation ? La seconde question, soulevée lors de la présentation d’IMCA, a plus traité du rapport entre le bien et le mal à la télévision, et de comment les différentes chaînes réagissent aux évolutions actuelles avec des programmes qui ont de plus en plus de mal à différentier le bien et le mal. Enfin, l’intervention de Stéphane Distinguin a permis de relier les tendances actuelles d’Internet avec celles de la télévision, et il est apparu que ces pratiques ne sont pas radicalement nouvelles.
Quel avenir pour l’information : Société de Contrôle vs. Société de Participation ?
La séance a débuté avec la présentation d’Anne Bouisset, directrice du développement de Carat TVMI. Anne Bouisset a d’abord présenté l’outil de travail sur les tendances qui a été créé par sa société, le cahier des tendances. Mis à jour tous les 2 à 3 ans, ce cahier se veut à la fois une photographie et une grille de lecture de la société actuelle. Il tâche ainsi via l’observation des comportements des individus, mais également via des interviews d’artistes ou de penseurs de comprendre le fonctionnement actuel de la société afin de créer une grille de lecture en quatre axes. Cette grille est ensuite présentée aux clients de la société afin de voir dans quel axe se situe cette société et donc de mieux comprendre les démarches qui doivent être entreprises pour séduire ses clients.
Le cahier des tendances actuels repose sur quatre piliers principaux que sont les balises, ou repères dont ont de plus en plus besoin les individus, les crampes, ou l’agressivité qui se développe dans la société, le divertissement ou le besoin de s’échapper qui est de plus en plus partagé, et enfin des univers-pilotes qui servent de guide aux individus. Au-delà de ces 4 tendances générales, la société CARAT a récemment effectué une étude générale auprès d’un panel de plus de 1000 personnes afin de mieux comprendre l’état d’esprit actuel des individus. Les caractéristiques majeures qui en sont sorties sont un sentiment extrêmement négatif sur l’avenir qui prélude ce qui est perçue comme étant une très longue période de transition. Par contre, les personnes interrogées sont prêtes à s’engager pour faire évoluer le système et faire place au changement. Ainsi, le pessimisme ambiant est contrebalancé par une réelle envie de faire changer les choses via l’engagement.
Suite à l’intervention de Mme. Bouisset, la discussion s’est engagée sur le rôle des médias dans cette perception de l’avenir. Les médias sont-ils la cause de ce pessimisme ou ne font-ils que refléter la réalité des perceptions populaires ? De la même manière, s’est posée la question de la perception de plus en plus négative des médias. Il est ainsi apparu que les personnes ont de moins en moins confiance dans les médias traditionnels car ceux-ci sont perçus comme étant les supports du pouvoir en place. Les médias traditionnels contribueraient ainsi au développement d’une véritable société de contrôle. En face des médias traditionnels, se développent de nouveaux médias, notamment via Internet, comme les blogs, qui donnent la possibilité aux internautes de s’exprimer et donc de participer activement à l’information. Ainsi, les medias seront à l’avenir de plus en plus confrontés à cette opposition entre société de contrôle, qui veut qu’une information soit diffusée le plus largement possible, et société de participation qui souhaite que chacun puisse participer à la définition de ce qu’est l’information.
Les tendances des émissions de TV : le bras de fer entre le bien et le mal
Suite à la présentation d’Anne Bouisset sur les tendances générales de la société, Mme X d’IMCA nous a présenté les résultats de l’étude menée par IMCA et Médiamétrie sur les tendances des émissions de télévision à travers le monde. La crise est clairement perceptible au sein des programmes de télévision et ceci via trois tendances importantes, les symptômes, le diagnostic et les remèdes.
Les symptômes de la crise se traduisent notamment par le développement d’émissions « par et pour » les adolescents qui peu à peu prennent le pas sur des adultes désabusés. De même, se développent de plus en plus d’émission de « coaching » qui sont censées aider les familles à mieux gérer leur vie. Enfin, dernier éléments des symptômes de la crise dans les programmes de télévision, le développement de nombreuses émissions à tendances masochistes dans lesquelles le but principal des candidats est de se faire mal afin d’exister.
Le second symptôme de la crise sur les écrans se traduit une volonté de comprendre ce qui se passe. Ainsi, les documentaires et les émissions d’investigations sur la crise financière sont présents partout dans le monde. De même, un gros accent est mis sur les Etats-Unis, afin de comprendre comment ce pays a pu contribuer à engendrer cette crise mondiale. La fiction n’est pourtant pas en reste, puisque de plus en plus de séries s’inspirent de la crise comme trame de fond.
Enfin dernière réponse des programmes à la crise, le remède, ou comment y échapper l’espace d’une émission de télévision. Dans un premier temps, la télévision tente de nous aider à réduire l’impact de la crise, ceci se traduit par la création d’émissions de télévision qui donnent des astuces pour dépenser moins. Dans un second temps, il s’agit au contraire d’oublier la crise d’où une importance accrue donnée aux séries humoristiques mais également à la musique.
Au terme de cette présentation, Pascal Josèphe a montré qu’il existait aujourd’hui dans les programmes de télévision un bras de fer entre le bien et le mal qui s’aggrave. En effet, face à la crise, les chaînes de télévision perdent leurs repères et ne savent plus vraiment s’il faut développer des programmes positifs pour faire oublier la crise ou au contraire continuer à soutenir des concepts plus durs qui représentent mieux les sentiments actuels de la population face à la crise.
Internet vs. Télévision : une différence pas si évidente
Au cours de sa présentation, Stéphane Distinguin, spécialiste des nouvelles technologies et de leurs usages, a présenté les nouvelles tendances sur Internet. Il a notamment démontré que les différences entre Internet et la télévision ne sont pas si criantes que cela. Ainsi, il n’y a que très peu d’innovations en matière de format sur Internet. La plupart des contenus audiovisuels qui sont diffusés sur la toile ne sont que des reprises de contenus issus de la télévision.
De même, il n’existe pas vraiment de nouvelles pratiques sociétales sur Internet. La plupart des pratiques, notamment sur les réseaux sociaux (facebook, myspace, etc…) sont, certes, le fait d’individus jeunes, mais restent des pratiques classiques. Les pratiques dites extrêmes ne sont le fait que de très rares individus, souvent des hommes issus des CSP-.
La véritable innovation qui a lieu grâce à l’internet est le développement des habitudes d’instantanéité. Les utilisateurs d’Internet, via des supports comme youtube ou twitter, sont maintenant à la recherche de supports instantanés. Que ce soit l’information, ou le divertissement, ils souhaitent l’avoir en temps réel sans avoir besoin d’attendre. Ainsi, la question que doivent se poser dès aujourd’hui les différents médias, c’est comment utiliser Internet comme support d’interactions sociales pendant la diffusion de contenus audiovisuels.
Lors de la discussion qui a suivi l’intervention de M. Distinguin, l’incapacité entre Internet et la télévision de s’entendre a été soulevée. Il apparaît aujourd’hui évident que les deux mondes restent très clos l’un par rapport à l’autre et qu’il n’y a que très peu d’interactions entre les deux. La rigidité actuelle des modèles éditoriaux des chaînes de télévision en est une preuve. Or, si la télévision n’arrive pas à mieux appréhender le développement d’Internet comme vecteur de contenu audiovisuel, il risque de lui arriver ce qui est arrivé aux studios de cinémas américains à la fin des années 50 lors de l’arrivée de la télévision, à savoir la lente perte d’influence face à l’émergence d’un nouvel acteur et l’éventuel reprise par ce nouvel acteur.