Télévision connectée III (Séance du 30/05/2011)
Troisième séance consacrée au thème de la télévision connectée. L’objectif de cette table ronde est de décrire quel sera l’avenir de la télévision connectée de demain En partenariat avec l’association LE GESTE
Rappel de Philippe Chazal : nous entamons au Club Galilée la troisième session d’une thématique devenue centrale dans le secteur audiovisuel, « la télévision connectée ». Il faut noter que le club Galilée a été le premier à ouvrir une large réflexion sur ce sujet, entamée il y a neuf mois. C’est la troisième étape. Il y en aura une quatrième à la rentrée. Comme chaque séance un dossier préparatoire à la séance est distribué présentant la problématique, les intervenants et leurs bios, ainsi qu’une revue de presse. Du point de vue des professionnels, l’arrivée de la télévision connectée est tout autant attendue que redoutée, car cette dernière cristallise en effet les peurs et les espoirs d’un secteur, tout comme elle souligne et intensifie l’affrontement entre professionnels du web et de l’audiovisuel. Porteuse d’enjeux multiples, la télévision connectée représente aussi un nouvel univers à appréhender pour les téléspectateurs, de nouvelles fonctionnalités avec lesquelles ils doivent se familiariser.
En début de session, Philippe Chazal rappelle le calendrier des prochaines séances. Le club Galilée se réunira lors de la séance du lundi 27 juin, sur le thème « R&D Recherche et développement » en partenariat avec le pôle de compétitivité des contenus et services numériques, Cap Digital,. Et probablement début juillet une session sur les nouvelles formes d’information à l’heure notamment de Twitter
La parole d’abord à Médiamétrie pour faire un point en introduction à la séance sur le marché et les attentes de la télévision connectée. Franck Si-Hassen, Directeur Délégué de Médiamétrie eStat, prend la parole afin d’introduire cette nouvelle séance avec des indications chiffrées sur l’équipement des Français en ce qui concerne les téléviseurs connectés ainsi que les premiers résultats d’enquête sur la notoriété et les possibilités d’usages de la télévision connectée.
3% des foyers sont, à ce jour, équipés d’une SmartTV et cette proportion de la population correspond, logiquement, davantage à des personnes de type jeune, urbain et CSP+, souvent caractérisés de « early adopters » D’après les études, 47% (fin du 1er semestre 2010) de la population « connaissaitt » la télévision connectée qui bénéficie donc d’une notoriété relativement forte dès son lancement. Médiamétrie rappelle cependant que la télévision connectée induit aujourd’hui un imaginaire simple et concret (qui est amené à s’étoffer dans les mois à venir) : pour le public, elle permettra d’avoir internet sur son téléviseur et de personnaliser son écran. Il s’agit bien là de comportements naissants, les chiffres sont en pleine évolution et les usages se développent.
L’enjeu pour le marché et Médiamétrie pourra apporter les solutions adaptées, sera de mesurer et de qualifier ces nouveaux consommateurs tout comme leurs comportements. Sur la part du flux broadcast, la consommation sera intégrée au Médiamat, mesure fondée sur un échantillon, une technologie de mesure, le watermarking, et des conventions. En ce qui concerne les usages connectés, une solution hybride permettant à la fois de dénombrer la quantité d’utilisateurs suivant un contenu mais aussi leur temps de consommation sera mise en œuvre, soit au final une mesure assez précise.
La question de l’engagement et de la qualité d’écoute du programme se pose alors de manière encore plus franche que pour la télévision dite « classique », car l’utilisateur naviguera entre plusieurs contenus et plusieurs programmes de façon simultanée.
Au-delà la question se pose : dans un univers multi-écran et surtout multitasking comment peut-on mesurer le degré d’attention du téléspectateur ? Des solutions seront proposées.
Eric Crémer est venu au nom de Dailymotion nous présenter un premier retour d’expérience sur les plateformes.
Si, en fait, la télévision connectée existe depuis quelques années, il faut reconnaître que son développement aujourd’hui s’appuie sur deux avancées majeures QUI ont permis toutes ces récentes évolutions, rappelle-t-il en guise d’introduction : la très forte baisse du coût de bande passante, d’une part et la généralisation du haut-débit, d’autre part. Aujourd’hui, 50% d’usages sur internet sont vidéo, cette statistique souligne l’intérêt de la télévision connectée et sa filiation avec certains usages déjà bien établis à partir de l’univers de la télévision. Pour ce qui est de la télévision connectée, elle bouleverse quelque peu l’ordre établi car les plus gros industriels à l’échelle mondiale se sont lancés sur le marché. Les constructeurs ont très vite mis au point des produits permettant de recevoir la télévision connectée, si bien que dans un avenir très proche, la quasi-totalité de la population sera en mesure d’avoir et de profiter de la télévision connectée. Aujourd’hui sur le marché – essentiellement américain – il existe 550 applications ce qui reste plutôt faible.
Dailymotion a lancé en 2009 son service via les box opérateurs. Avec un trafic de 400 000 à 500 000 visiteurs uniques par mois, l’agrégateur possède d’ores et déjà une image assez précise du public, de ses habitudes et de ses attentes, une photographie assez détaillée de ses comportements sur ces plateformes.
D’abord Les consommateurs se démarquent par leur engagement car ils restent longtemps connectés sur la page, précise Eric Crémer. Un frein majeur à l’essor de la télévision connectée, déplore-t-il, tient aujourd’hui A la fragmentation technologique, pénalisante car elle pose des problèmes de compatibilité et développe des marchés atomisés. Une harmonisation et une universalisation des process est donc souhaitable et sans doute à venir.
Parmi les questions ensuite Eric est interrogé sur la composition de l’écran connecté. Quels retours d’expériences ? Cela reste la grande inconnue de notre équation, car tous veulent être présents et les différents acteurs se livrent ainsi une bataille féroce pour peu de place disponible.
Eric Crémer préconise en particulier la présence d’un menu qui permet une meilleure navigation et facilite l’accès à des services interactifs. Un menu qui joue aussi un rôle important dans le système de mémorisation de l’utilisateur. A la différence d’une verticalité et d’un système d’applications, la présence d’un moteur de recherche jouera selon lui, un rôle facilitateur alors que le principal inconvénient des applications est de laisser peu de chances aux nouveaux acteurs d’être visibles et de gagner en notoriété.
La télévision connectée doit de plus permettre de véritables avancées en matière d’ergonomie afin de rendre possible et facile la navigation sur internet à l’aide d’une télécommande. Dans ce domaine, les constructeurs proposent beaucoup de solutions. L’avenir futur de la télévision connectée est donc en pleine construction à l’heure où nous parlons.
Cyril Garnier nous expose le cas de TF1 et ses projets en cours sur la télévision connectée. Il développe sa réflexion autour d’un terme central le « live ». En effet, Cyril Garnier nous précise que la télévision connectée est un espace ouvert qui réservera de ce fait de nombreuses surprises mais elle annonce déjà un retour au live, au cœur du plus passionnant, l’évènement. La démonstration actuellement de la HBBTV de France Télévisions à l’occasion du tournoi de Roland Garros en est un exemple probant, car, dans ce cas, la télévision connectée enrichit le direct. Il introduit également la notion de multi-écran qui selon lui renferme beaucoup de promesses dont celle de professionnaliser la télévision par la navigation – rendant par conséquent la consommation, de fait, moins passive et plus personnalisée.
Le chantier de la chaîne actuellement, se concentre d’abord sur la technologie qu’il faut finaliser et les standards qu’il faut définir – comme c’est le cas avec le DRM pour protéger les vidéos et assurer à l’utilisateur des vidéos de qualité.
La Catch up TV et la VOD connaissent déjà un grand succès, le marché devrait se développer davantage et prendre de l’ampleur, car les téléspectateurs comprennent très vite et ont su voir l’intérêt de ce type de service.
Cyril Garnier attire toutefois notre attention sur le fait que le marché n’est pertinent que s’il est exhaustif.
Selon lui, l’année 2012 s’annonce passionnante car elle signifie un début de parc et offre la possibilité à une chaîne comme TF1 de commencer à évangéliser ses consommateurs et construire un discours autour de la télévision connectée.
La question de la création, jusque là écartée dans les présentations est soulevée par Philippe Chazal qui s’interroge sur le rôle d’un acteur comme TF1 dans la création, dans ce contexte précisément de LA télévision connectée. Les chaînes ont, comme cela était d’ores et déjà le cas pour le flux de la chaîne, des obligations et des quotas de production. Qu’en est-il pour la télévision connectée et les contenus traansmédias ? Le CNC a déjà reçu des projets et des écritures spécifiques pour des contenus destinés à être diffusés pendant le programme rappelle Anne Bouisset. Puisque la question se pose avec la télévision connectée : Que fera-t-on pendant l’œuvre ?
Nicolas Schaettel prend la parole au nom de MSN. Dans sa présentation, il développe deux points intéressants pour notre thématique : tout d’abord, l’expérience de la Xbox, puis la collaboration de MSN avec M6 et RTL dans la réalisation d’une émission sur la prochaine présidentielle, une émission mensuelle jusqu’en fin d’année et hebdomadaire dès le début 2012 avec des annonces de ce programme dans le 19H45 de M6 et sur RTL. La Xbox dévoile une nouvelle facette de la télévision, l’écran se transforme en véritable « hub de divertissement ». Cela crée de nouvelles attentes chez le téléspectateur et une concurrence au sujet de l’attention de ce dernier.
Nicolas Schaettel revient sur une des spécificités de la télévision connectée qui implique des acteurs mondiaux. Du point de vue du système économique, la question se pose entre une approche globale ou nationale. Ainsi, si l’évolution est globale, l’application reste cependant nationale. L’approche est donc double. L’intervenant justifie ce phénomène en expliquant que nous avons affaire à des services globaux complétés – voire renforcés – par des programmes nationaux, comme l’a fait, par exemple, Canal+ avec Canalplay et Foot+. Ces spécialisations nationales permettent aux services d’être pertinents pour une audience et de garantir l’usage et le succès. D’où les partenariats avec des acteurs nationaux pour MSN.
70% des détenteurs de tablettes ont une utilisation multiterminale, il faut, de ce fait, construire une histoire qui sera racontée pour plusieurs écrans. Partant de ce constat, les agrégateurs comme MSN ou d’autres acteurs majeurs du web ont souhaité s’associer à des producteurs de contenus. Dans sa deuxième partie, Nicolas Schaettel présente une expérience concrète de programme connecté dans le domaine de l’information.
MSN a choisi de s’appuyer sur le savoir-faire de production des acteurs audiovisuels comme M6 et RTL, tout comme sur leur notoriété et leur visibilité pour mutualiser les compétences et promouvoir leur projet d’émission sur la présidentielle, tout en offrant à ce programme une totale interactivité avec le consommateur qui, sur internet, peut participer à tout instant.
Au travers de cet exemple, nous apercevons tout le potentiel participatif et interactif de la télévision connectée qui permet de replacer le consommateur au centre du processus de communication. Ce dernier élément paraît important pour MSN qui déclare vouloir « ré-instaurer » un vrai débat entre le citoyen et l’homme politique, ce qui, selon Nicolas Schaettel, devient difficilement réalisable sur une chaîne de télévision.
La question de la programmation se pose bien entendu. Car, comment programmer un contenu pour être vu par le plus grand nombre, dans un univers multi-écran ? Dans ces conditions, comment un contenu trouve son public ? Une des réponses apportées est de multiplier les points de contact en s’associant à plusieurs médias support.
Enfin la télévision connectée sera un monde ouvert, nous l’avons évoqué, mais elle restructure également le secteur. Deux sociétés telles que MSN et Facebook, aujourd’hui concurrentes peuvent être complémentaires dans les usages, comme pour les annonceurs.
Pour Nicolas Schaettel, il est très important que MSN fasse une sélection des contenus. Cette notion de filtre et d’éditeur est recherchée par les utilisateurs, une fonction qui tend d’ailleurs à devenir primordiale tant le choix sur internet est immense et l’espace quasi-infini.
Ainsi parmi les maîtres mots de cette session : ouverture, live et multi-écran car ils furent cités par nos intervenants à maintes reprises et s’imposent à présent comme des éléments de l’ADN de la télévision connectée.
Au terme de cette séance « télévision connectée III », nous avons pu faire le bilan sur l’évolution de cette technologie et du marché qui demandent encore une réelle harmonisation entre les constructeurs et entre les différents acteurs impliqués, sur l’avenir du secteur et ses probables mutations futures.
La télévision connectée semble signifier le retour du live, de l’information en direct, et encourager des comportements participatifs en prônant une immédiateté et une réactivité, en partie héritées du web. La télévision connectée possède, en outre, une véritable fonction d’enrichissement, elle vient en complément au programme et fait alors émerger la question du contenu disponible pendant le programme, complexifiant ainsi les problématiques de programmation. Une télévision connectée enfin qui propose donc des services mais aussi et surtout des contenus.
Prochaine séance en septembre sur les contenus et les créations « TV connectée ».