La formation professionnelle - séance du 26/11/2012
En introduction, Philippe Chazal rappelle le calendrier du Club. En décembre, nous organiserons une session avec les députés et les sénateurs sur le thème des enjeux législatifs et règlementaires sur les médias. De plus, l’organisation du FIPA en janvier sera l’occasion pour le Club de préparer une séance hors les murs sur la création. Enfin en février, le Club proposera une session sur la social TV.
- Panel:
Christiane BRUERE-DAWSON - AFDAS
Laure CASALINI - Supinfogame
Francine LEVY - ENS Louis Lumière
Serge SCHICK - INA Expert
Marc VERNET - Paris Diderot
Marie-France ZUMOFEN - Gobelins
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Le Club Galilée a pris l’initiative de réunir autour de la table les différents acteurs qui préparent aux métiers des médias : des organismes de formation, des écoles professionnelles, des masters universitaires. La séance d’aujourd’hui semble nécessaire au regard des mutations qui touchent les métiers et le secteur dans le contexte de la convergence numérique. L’objectif de cette table ronde est aussi de suggérer et d’initier la création d’un réseau entre toutes ces formations qui n’ont pas toujours l’occasion de collaborer.
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Christiane Bruère-Dawson, Directrice générale de l’Afdas, prend la parole en premier et nous présente le secteur de la formation continue, une étape qui arrive après la formation initiale. 200 000 salariés et 130 000 intermittents du spectacle ont bénéficié d’une formation. Dans le cas des intermittents du spectacle, l’Afdas se substitue à un employeur fixe qui proposerait le droit individuel à la formation (DIF). En matière de formation, cela représente 7 millions d’heures financées. Christiane Bruère-Dawson souligne que l’organisme soutient particulièrement les TPE pour aider les départs en formation.
En 2011, l’Afdas a pris en charge la formation de 22 700 salariés. Par ailleurs, 200 salariés ont suivi une formation avec un intitulé qui contenait les termes « transmédia » ou « crossmédia ». Un chiffre qui reste faible et qui justifie la nécessité des travaux entamés. Il faut bien analyser les besoins de compétences et de formation sur ces nouveaux métiers.
Le but de l’Afdas est aussi de créer de nouvelles formations et, pour les plus jeunes, de préparer à l’emploi. Christiane Bruère constate que le chiffre de demandes de formation est en constante progression.
Philippe Chazal ajoute que les formations type « transmédia » ou « crossmédia » sont bel et bien le reflet de l’activité du secteur. Le projet de plateforme porté par le Club Galilée cible l’industrie des formats, un secteur dans lequel la France accuse un certain retard et sur lequel il y a du savoir-faire à monter.
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Serge Schick prend ensuite la parole. Il est Directeur de INA Expert, un département qui regroupe quatre activités : une activité de recherche afin de sauvegarder et valoriser les archives de l’INA, une activité d’expertise et de conseil, un pôle enseignement supérieur et enfin la formation professionnelle.
Il rappelle que l’INA s’est lancé dans la formation initiale il y a dix ans avec la marque Inasup qui délivre aujourd’hui 13 diplômes. L’organisme propose aussi une formation en alternance même si dans ce secteur, il faut convaincre les entreprises de l’intérêt de ce type de cursus, regrette-t-il.
Avec l’outil qu’est la formation professionnelle, INA Expert cherche à répondre au mieux aux attentes des professionnels. Serge Schick souligne que la formation aux métiers du secteur possède plusieurs particularités qu’il faut garder en mémoire : premièrement le secteur est assez bien structuré, deuxièmement il s’agit d’une industrie dont les rythmes de vie ont changé. Il y a eu une hyperspécialisation et les horaires ont été modifiés. Enfin le secteur des médias a connu plusieurs vagues de changement avec la vague du numérique dont on perçoit encore les effets, cela implique selon lui un travail nouveau sur le marketing des contenus, la manière dont ils ont été pensés.
INA Expert travaille également beaucoup sur l’insertion professionnelle, un indicateur qui est amené à devenir complètement central. Serge Schick explique cependant qu’il y a beaucoup d’éducation à faire : certaines pratiques du secteur doivent en effet être modifiées comme le recours massif aux stagiaires pour des durées parfois longues et la sous-utilisation de l’alternance, un dispositif qui pourtant débouche quasiment tout le temps sur un contrat.
Il conclut en ajoutant qu’il est important de faire un travail de sensibilisation sur le sujet central de la formation afin d’apporter la meilleure réponse aux évolutions du secteur.
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En complément, Philippe Chazal met l’accent sur la mutation générationnelle qui touche également l’audiovisuel. Une des pistes serait alors d’organiser une action de tutorat entre les différentes générations.
Pierre François intervient rapidement afin de présenter en quelques mots le Media Institute qui est spécialisé dans le conseil en achat et vente d’espace publicitaire, la monétisation des audiences. Il constate que 80% des formations ont changé en trois ans, la demande évolue très rapidement. Le Media Institute a trois activités : il forme des experts, il propose des séminaires ad hoc d’entreprises et des activités de professionnalisation. Les contrats de professionnalisation débouchent en majorité sur des contrats de travail, en ce sens ils représentent un véritable accélérateur de métier et de savoir-faire. Grâce au Club Galilée, le Media Institute a organisé cette année 6 sessions sur la télévision connectée.
Dans la première partie de cette séance consacrée à la formation professionnelle, nous avons vu que la formation est avant tout un continuum et que la formation initiale ne prépare pas de manière immédiate aux métiers.
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Laure Casalini entame la seconde partie et nous présente Supinfogame, l’école spécialisé dans le jeu vidéo qu’elle dirige. Créée en 2001 sous l’égide de la CCI du grand Hainaut, Supinfogame répond à une demande des professionnels. L’école fonctionne avec 5 salariés et 40 intervenants externes, ce qui permet de transmettre des savoirs toujours en adéquation avec les besoins actuels et de travailler sur de vrais exemples. Elle délivre des diplômes équivalents à bac+5 et a construit de nombreux partenariats avec les entreprises. L’école met également l’accent sur la réalisation de projet.
Le Supinfocom groupe est un ensemble unique axé sur une problématique crossmédia et transmédia et avec trois pôles : game art, game design et programmation. Laure Casalini nous annonce l’arrivée en septembre prochain d’un nouveau campus à Valenciennes : la serre numérique. L’industrie du jeu vidéo est en constante évolution. Laure Casalini explique en effet que les métiers du jeu vidéo sont nouveaux mais cependant d’ores et déjà très exigeants car ils requièrent aussi une connaissance et une culture générale développées. La difficulté est alors double car il faut apprendre à maîtriser les outils d’une part, et acquérir des facultés d’analyse. Le cursus suit le schéma classique universitaire et repose majoritairement sur les intervenants extérieurs, il prépare aux métiers du management, de la gestion de projet mais aussi de la production et du game design.
Laure Casalini annonce plusieurs développements dont celui du « Créalab » et la volonté de consolider la présence de l’école à l’international en accentuant notamment la mobilité des étudiants. Il y a des enjeux à venir car le jeu est en train de devenir un vrai média à part entière et cela nécessite d’appréhender de nouvelles problématiques qui sont différentes du contexte dans lequel est né le jeu vidéo.
Philippe Chazal rappelle que Supinfogame a été le partenaire d’Arte sur le projet Arte Creative, il souligne également la dimension fondamentale d’incubation de l’école.
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Francine Lévy intervient au nom de l’école Louis Lumière, l’école publique de cinéma, photographie et son qui fut créée en 1926. L’école a beaucoup évolué, elle a aussi subi les révolutions successives. L’école Louis Lumière forme des professionnels des métiers du cinéma au travers de trois missions : la formation initiale, la formation continue, la recherche. Le cursus de la formation initiale est sélectif : 16 étudiants par promotion. La section cinéma forme essentiellement des intermittents du spectacle, la filière son forme des intermittents mais aussi des ingénieurs. Francine Lévy nous explique que les compétences acquises à l’école Louis Lumière sont à la fois très larges et très spécialisées. On s’intéresse alors au voyage des images et ce depuis la captation jusqu’à la restitution.
La formation continue est un service relativement indépendant, le but premier est de se familiariser avec de nouveaux outils. Il existe également des stages sur mesure : des formations spécifiques pour les salariés.
Le département recherche ne possède pas la forme universitaire classique, il se compose d’enseignants chercheur ce qui confère une base théorique solide. La réputation de Louis Lumière a largement dépassé les frontières de l’Europe, ainsi les échanges avec les étudiants étrangers se sont développés. Francine Lévy souligne aussi que les compétences de l’école sont exportables.
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Olivier Zegna Rata souhaite donner la parole à Catherine Jean Joseph afin de lui donner l’occasion de présenter son projet : l’école miroir. Une structure mise au point il y a un an à Epinay sur seine pour les talents émergents dans les quartiers La volonté était de « dé-formater » afin de relancer la créativité et surtout de redonner la parole à une créativité jusque là aphone. L’école fonctionne sur le principe d’un masterclass avec des intervenants extérieurs. Catherine Jean Joseph explique qu’ils ont essayé de mettre au point un pool d’auteurs pour qu’à chaque tournage, un jeune puisse intervenir et participer. Il existe aussi un comité d’honneur composé par des professionnels du secteur avec l’objectif d’en faire un comité de réflexion un peu à l’image de l’école de Palo Alto. Beaucoup de membres du club sont partenaires de cette initiative souligne Catherine Jean joseph ce qui permet un renouvellement des horizons de recrutement de cette profession.
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La parole est ensuite donnée à Marie-France Zumofen, directrice adjointe de l’école de Gobelins qui forme à tous les métiers de l’image. Créée il y a 40 ans, au début existait seulement le département de la photographie. Un parcours qui forme des jeunes de 16 à 23 ans. Le département le plus connu est bien sûr celui du cinéma d’animation, un secteur dans lequel l’alternance est difficile à mettre en place au près des entreprises. Le département multimédia propose une entrée à bac+2 avec une sortie à bac +3, +4 ou +5, il forme aux métiers de graphistes, de designer ou de chef de projet. La dernière formation mise en place est celle du jeu vidéo, elle prépare aussi à la communication professionnelle et aux réseaux sociaux. Marie-France Zumofen note qu’il y a une véritable « gamification » de tous les discours.
Tout comme à Supinfogame, l’école des Gobelins compte peu d’enseignements permanents et fonctionne avec une majorité de professionnels qui développent chez les étudiants la créativité et l’esprit d’équipe. L’école organise des Workshop en entreprise et des stages à l’étranger, elle a mis au point une pédagogie par projet ce qui implique assez peu de cours magistraux et beaucoup d’ateliers en effectifs réduits. Les projets et les films de fin d’études sont souvent remarqués e remportent parfois des prix dans des festivals.
La recherche est devenue indispensable même si ce n’est pas l’objectif principal et initial de l’école. La recherche appliquée est aujourd’hui devenue incontournable, elle permet d’imaginer les nouveaux usages et l’école des Gobelins réfléchit à présent à la création d’un laboratoire en ergonomie et design.
Philippe Chazal insiste sur l’aspect recherche qui demeure un véritable accélérateur et il passe ensuite la parole aux étudiants de la dernière promotion du Celsa (filière Communication Marketing et Management des médias) venus nous présenter la nouvelle revue universitaire qu’ils ont mis au point : « Effeuillage, la revue qui met les médias à nu ». Elle adopte un triple point de vue : celui des professionnels, celui des enseignants chercheurs et celui des étudiants ; elle est gratuite et financée par des partenaires extérieurs.
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Marc Vernet intervient pour la troisième et dernière partie de cette séance orientée vers les masters universitaires. Il se présente comme à la fois le plus âgé et le plus jeune intervenant autour de la table : le plus âgé car il enseigne depuis de nombreuses années et le plus jeune car le cursus qu’il présente n’a que trois mois d’existence. L’université Paris Diderot enseigne les sciences mais une partie consacrée aux sciences humaines a cependant toujours été conservée. Marc Vernet enseigne au sein de l’UFR Lettres arts et cinéma (LAC) qui accueille chaque année de nombreux étudiants.
En septembre, a été créé un Master bilingue « Intelligence et Innovation culturelle »porté par deux UFR. Ce Master conjugue 4 cultures : une culture texte, une culture image, il rapproche deux cultures théoriques de la sémiologie et des cultural studies. L’enseignement se déroule sur deux ans avec des ateliers théoriques d’approfondissement, des ateliers pratiques encadrés par des professionnels et une conduite de projet. La première promotion compte 12 étudiants, la sélection s’est fait sur dossier.
La visée de ce Master est le décloisonnement tout d’abord le décloisonnement interne à l’université, mais aussi de l’université par rapport à son environnement.
Selon Marc Vernet, il faut repenser la question de stages, de l’alternance, il est aussi important de faire de la pédagogie du point de vue des étudiants afin par exemple de faire converger leur petit boulot avec leur formation, mais également du point de vue des enseignants.
Philippe Chazal note la belle réussite de ce Master et souligne l’importance de la culture générale dans ce type de formation. Le projet de création de réseau pourrait ainsi inclure toute cette diversité qui a été présentée par les différents intervenants. Il ajoute de plus, qu’il faut bien penser à regarder les formations du point de vue du secteur.
Olivier Zegna Rata invite à poursuivre la réflexion afin de pouvoir suggérer à l’Etat des pistes qui faciliteraient la formation, des propositions qui pourraient améliorer l’adaptation de cette dernière à l’univers des médias. L’enjeu est fondamental car les évolutions sont significatives.