Social TV - séance du 18/02/2013
Le Club organise une séance sur la Social TV dans le cadre de la 3èmeédition de la Social Media Week. Philippe Chazal commence par présenter les activités du Club qui se réunit chaque mois pour le traitement d’un thème « trendy »sur les médias.
- Panel:
Lionel ABBO - Shine France
Antonin EHRENBERG - Atlantique production
Jérôme FRITEL et Claire LEPROUST - capa tv
Cyril GARNIER - e-TF1
Harry TORDJMAN - My box productions
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Lionel Abbo prend la parole au nom de Shine France et nous présente les dispositifs de social TV mis en place pour la saison 2 du programme The Voice.
La saison 1 a déjà permis d’avoir plusieurs retours d’expérience. Sa diffusion en février 2012 correspond à ce qu’on pourrait appeler la préhistoire de la social TV. En effet le premier prime de la saison 1 avait généré 63000 tweets et on comptabilisait un peu plus de 1 million de tweet pour toute la saison.
Concernant la saison 2, les trois premiers primes ont déjà rassemblé 1,2 millions de tweets. Le bassin d’audience a été multiplié et le programme trouve son public sur les réseaux sociaux.
A ce sujet, Lionel Abbo souligne qu’il ne s’agit pas seulement d’une population dite urbaine, parisienne et influente mais bien d’un bassin plus large.
Pour la saison 1, la présence sur les réseaux sociaux se justifiait simplement : il fallait expliquer le programme jusqu’alors inconnu et aider les personnes à se familiariser. L’objectif était de toucher un large public.
Pour la saison 2, le projet est différent. Avec 8 millions de téléspectateurs en moyenne, le programme est désormais connu, ainsi que la marque. Le dispositif mis en place vise à faire vivre au téléspectateur l’expérience The Voice par exemple en racontant les coulisses de l’émission ou en lui permettant de se mettre à la place d’un coach avec l’appli 5èmecoach. Il peut ainsi appuyer quand il aime le talent et essayer de deviner avec quel coach l’artiste repartira. Cela engendre une vraie force d’interaction.
Lionel Abbo indique que ces dispositifs permettent de traduire en expérience sociale les questions que se pose l’internaute/téléspectateur.
A quoi sert la social TV ?Pour Lionel Abbo, être social, c’est créer de l’engagement avec le téléspectateur, créer une communauté. Il est ensuite important de s’intéresser à la qualité de la communauté. Aujourd’hui, les moyens de mesurer l’audience sociale sont limités.
Plus on avancera dans l’analyse plus on progressera dans cette interaction.Et cela également sur la question de la monétisation. La dernière étape serait de se demander quelle est l’incidence de l’audience sociale sur le programme télévisuel. Ces éléments ne sont pas encore connus même si les études se multiplient. Quel est l’impact de l’audience sociale ? La réponse à cette question fera très certainement évoluer les programmes.
Lionel Abbo précise que les « formats » tels que « the voice » incluent maintenant la dimension « tv sociale ».
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Pour Capa TV, Claire Leproust, la responsable des développements numériques et Jérôme Fritel, journaliste et réalisateur.
Ils viennent présenter le documentaire sur Goldman Sachs diffusé sur Arte en septembre 2012 qui connut un grand succès d’audience mais également sur internet et les réseaux sociaux après la diffusion.
Le documentaire est né d’un livre. L’ambition était : à partir de l’écrit, passer à l’image. L’autre exigence fut de réaliser un programme grand public avec un minimum d’expressions financières et ainsi casser cette barrière avec une langue simple et compréhensible.
Jérome Fritel explique qu’il a été confronté à une question :comment rendre la finance visuelle, sexy, glamour ?Le meilleur moyen était d’adopter les codes visuels du cinéma, à la manière d’un thriller. Les personnes ont regardé le programme comme un film avec une progression dramatique adaptée à l’information.
Marc Roche, l’auteur du livre avait averti : ceux qui savent ne parleront pas et ceux qui veulent parler n’y connaissent rien. En effet, pour les demandes d’interview, le taux de refus atteignait 90%. L’enquête a été menée sur plusieurs pays. En tout, les journalistes ont pu réaliser une quarantaine d’entretiens. Seule une petite partie des témoignages a pu être conservée dans le montage final, uniquement un concentré de leur pensée.
La grande quantité de la matière non utilisée fit naître une idée : pourquoi pas un webdoc complémentaire. Cela a été réalisé en collaboration avec les équipes d’Arte. Le webdoc a ainsi été diffusé avant la diffusion télé, il jouait de ce fait le rôle de teaser. Avec une cible très grand public, le documentaire a atteint 2,7% de part de marché. Il y a eu en plus 500 000 visionnages sur le site en replay. Le documentaire, les personnes s’en sont emparées. L’objectif était atteint : créer le débat.
Claire Leproust complète en ajoutant qu’il y a eu une énorme reprise sur twitter, beaucoup d’influents ont relayé le documentaire, on a constaté un engouement massif. Il s’agit là d’un cas atypique car Capa n’a pas orchestré cette communication sur les réseaux sociaux, le mouvement s’est initié tout seul. Claire Leproust souligne : c’est un succès singulier pas totalement anticipé.
Au sein de Capa, la social TV représente avant tout l’engagement en imaginant des contenus inédits parfois ludiques comme c’est le cas pour la série Braquo où un jeu d’enquête avait été imaginé. La social TV, c’est aussi un engagement qui induit du partage (recommandation au près des autres internautes/téléspectateurs).
Ou la série de documentaires engagés pour Canal à propos de ce village africain et servant à la fois de vitrines et de moteur pour les engagements concrets an faveur de ce village.
Ces nouvelles écritures apportent des comportements d’audience différents. Claire Leproust conclut en expliquant que dans le cadre de la social TV, il faut avant tout se demander quelle expérience on veut apporter en plus.
Philippe Chazal souligne que le succès de ce documentaire est un succès de style mais aussi un succès parce qu’il raconte un sujet d’actualité qui intéresse le public.
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Antonin Ehrenberg est producteur au sein d’Atlantique productions. Une société qui produit des séries en anglais pour le marché international ; elle n’est pas positionnée sur le digital. Sa présence sur le digital s’est plutôt faite par opportunité, grâce à la série Borgia. Pour cela, un jeu Facebook a été crée, considéré par Canal+ comme un outil marketing. Il y a eu 200 000 téléchargements, ce qui reste modeste au vu des audiences télé, avec un budget de 150 000 euros. Mais cela a permis d’éveiller à la possibilité d’aller plus loin en termesde social TV et d’imaginer un dispositif 360 immersif.
Pour la saison 2, bientôt diffusée sur Canal+, le jeu est plus élaboré avec 6/8 mois de développement et bénéficie d’un budget plus important. Dans ce nouveau dispositif, l’internaute se confessera au pape.
Antonin Ehrenberg nous annonce que le travail est déjà engagé sur la saison 3 pour le financement.
Atlantique production a déjà pensé à une application second écran. La série sera diffusée sur Netflicks et le téléspectateur pourra voir une timeline tout au long de l’épisode grâce à laquelle tous les lieux et les personnages sont référencés. Antonin Ehrenberg nous explique que les retours d’expérience montrent que les personnes ont envie de se cultiver avec les Borgia.
Si ces premiers pas sur le digital sont principalement considérés comme des outils marketing, d’autres projets sont allés plus loin comme c’est le cas par exemple avec la série Le Transporteur diffusée sur M6. Un jeu a été créé autour de la marque existante. L’objectif était de trouver un business modèle. Pour cela, un dossier média a été déposé à l’aide au développement interactif.
Pour ce jeu, on comptabilise 53 000 inscrits, parmi eux 30 000 ont fini le tutoriel, et 8200 like, ce qui reste assez faible.
Antonin Ehrenberg souligne que dans ce domaine on pratique le learning by doing. Il s’agit là d’une vraie recherche. En multipliant les expériences digitales, on apprend.
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Une question est posée concernant les indicateurs des réseaux sociaux. On se demande pourquoi Facebook semble être écarté.
Claire Leproust précise que pour Goldman Sachs, c’est Arte qui détient ces informations. Sur Facebook, on ne sait pas à quel point c’est un programme partageable. Lionel Abbo ajoute que twitter est un indicateur pertinent pour la télévision car il est lié à l’immédiateté, à un évènement.
Melle Weber d’Arte France précise les données sur les réseaux sociaux.
Le 2èmeécran concentre parfois davantage l’attention du téléspectateur, dans ce cas il n’est pas forcément lié au programme. Aux Etats Unis, 55% de la population possède une tablette, le second écran devient central. Pour Lionel Abbo, il y a deux cas de figure : soit le téléspectateur n’est pas intéressé par le programme et il cherche à se divertir, soit le programme l’intéresse et il souhaite s’engager et en parler aux autres.
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Harry Tordjman prend ensuite la parole et revient sur le véritable succès de Bref sur les réseaux sociaux.
Bref c’est 82 épisodes de 2 minutes en moyenne. C’est aussi une diffusion multiécran : une première diffusion télé dans le Grand Journal avec une audience moyenne de 1,5-2 millions de téléspectateurs.
La stratégie était de coller la diffusion internet a la diffusion télé. L’épisode était mis en ligne juste après sa diffusion sur Canal+ et repris instantanément sur Facebook et Twitter administrés par My Box Productions. Harry Tordjman explique qu’il a négocié pour que la diffusion sur internet puisse se prolonger à l’infini avec l’idée que ce soit diffusé au maximum et librement visionnable. La diffusion dans le Grand Journal servait de rampe de lancement pour la diffusion internet.
Sur la fanpage Facebook, 3 millions 300 000 personnes « aiment » le programme. La progression a été très rapide. Trois semaines après le début de la diffusion, on comptabilisait 600 000 like, un mois après le premier épisode, on atteignait le million. S’ajoute à cela, 380 000 followers sur Twitter. Une communauté était créée, il fallait la faire vivre.
Harry Tordjman explique qu’il a pour cela fait appel à l’agence Darewin. Chaque nouvel épisode posté donnait lieu à une nouvelle communication. Chaque élément de communication était en fait un prolongement du personnage principal.
La timeline Facebook a été développée et affinée pour ainsi recréer une chronologie de tous les événements marquants de sa vie. L’application Bref pour smartphone était gratuite et sponsorisée par un annonceur, elle a suscité 750 000 téléchargements. Son concept était original : on se trouvait dans le téléphone du personnage principal, on pouvait appeler ses contacts (les autres comédiens de la série se prêtaient au jeu)
Wale Gbadamosi, le fondateur de Darewin, souligne que tous les développements digitaux étaient axés sur la narration et pas sur du making of de la série ce qui aurait été une solution plus facile. A ce niveau, il s’agissait de dispositifs innovants
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Cyril Garnier est chef de projet au sein de e-TF1, il nous parle du cas de TF1. Il affirme tout d’abord que la social TV connaît une croissance assez vertigineuse. L’exemple le pus récent est celui des NRJ Music Awards 2013.
Sur la social TV, e-TF1 a plusieurs axes de travail :
- Etre sur les réseaux sociaux et créer de la viralité. Tous les réseaux sociaux sont un lieu de renvoi vers le site et permettent la monétisation du contenu
- Traiter à l’antenne les tweets. L’objectif dans ce cas est de représenter la discussion sociale avec le passage des tweets en bas de l’écran comme ce fut le cas dans Danse avec les stars ou Splash. Cyril Garnier avertit cependant qu’il s’agit d’une discussion compliquée à représenter
- Comment cette discussion sociale revient vers le digital et redirige vers le site Mytf1.fr. La présence des réseaux sociaux se fait sur le site à travers les plug in.
L’application Connect 2ndécran permet de donner la présence permanente du social. C’est un fil rouge de la consommation du digital.
Cyril Garnier explique qu’il est aujourd’hui encore difficile d’évoluer sur les trois axes de travail en même temps. La social TV ne rapporte rien pour l’instant mais elle offre un contact direct avec le téléspectateur.
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Existe-t-il des différences d’usage dans les pays européens ?
Amandine Cassi présente dans l’assistance donne quelques éléments de réponse. Il y a quelques pays qui sont très actifs sur la social TV, la France en fait partie. Cependant il n’y a pas encore de mesure de cette audience sociale, il n’existe pas à ce jour de référence nationale ou internationale. Plusieurs agences sont en train de les élaborer.
Qui a en charge la gestion des tweets ? Le diffuseur ou le producteur ?
Claire Leproust précise qu’il s’agit généralement du diffuseur. Sauf pour certains cas de documentaires où il est plus facile de se faire porte parole des auteurs, ils sont plus aptes à animer le débat.
Cyril Garnier ajoute que pour des programmes qui réunissent des stars. L’idéal est que la star puisse relayer l’information via son propre compte twitter par exemple. Cela a plus d’impact que le compte de la chaîne. En effet, la discussion sociale est animée par les comptes des chaînes, les comptes des programmes, les comptes des intervenants (animateurs / célébrités), les comptes des professionnels. Un même programme peut concentrer beaucoup de sources différentes.
Les tweets diffusés pendant les émissions sont souvent les moins intéressants ou du moins ceux qui possèdent le moins de second degré, un sens de la dérision qui fait pourtant la réputation de twitter, fait remarquer une personne de l’audience. Cyril Garnier répond que la plupart des programmes étant des compétitions, on ne peut pas se permettre de se moquer d’un candidat en diffusant un tweet à l’antenne. Il ajoute cependant que l’application second écran devrait être plus décalée. D’une manière générale, plus l’émission adopte un ton décalé, plus il sera possible de diffuser des tweets moqueurs ou incisifs.
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Au terme de cette séance, nous avons pu voir à travers quelques expériences exemplaires comment les diffuseurs et les producteurs intégrent les nouvelles problématiques de social TV dans leurs programmes en essayant de se montrer innovants à l’aide d’applications et de dispositifs sur les réseaux sociaux.
Parfois simple outil marketing ou élément constitutif de la narration, la social TV concerne aujourd’hui tout le monde. Sa croissance est assez vertigineuse et son audience se multiplie à grande vitesse. Toutefois, des éléments restent encore à éclaircir :Comment mesurer cette audience sociale ? Quel est son impact sur le programme ? Des interrogations qui agitent aujourd’hui les professionnels tant sur le plan du contenu éditorial que de la monétisation de ces nouvelles pratiques.
Le Club se réunira le lundi 18 mars pour une séance sur le thème des nouvelles écritures appliquées aux « formats ».