Industries et création - séance du 23/01/2013
Le Club Galilée s’est réuni au FIPA 2013 afin d’animer une séance sur le thème « Industries et créations » et plus particulièrement sur les formats. L’objectif de cette table ronde est de poser les termes de cette articulation entre industries et créations, deux termes qui, à priori, semblent s’opposer.
- Panel:
Laure CASALINI - Supinfogame
Jérôme CAZA - SPI et 2P2L
Arnaud DRUELLE - Cap Digital
Mathieu VIALA - Making prod et USPA
***
Philippe Chazal présente le Club, « think tank » sur les médias, l’organisateur de cette séance puis chacun des interlocuteurs : Laure Casalini, directrice de l’école de Jeux vidéos Supinfogame ; Arnaud Druelle qui gère les communautés au sein du pôle de compétitivité Cap Digital crée en 2005, une structure chargée de labelliser les projets R&D dans le domaine des technologies numériques après expertises ; Matthieu Viala, président de MakingProd et vice-président de l’USPA et Jérôme Caza, producteur et directeur de Pourquoi pas la lune (2P2L) et président du collège télévision du SPI. Philippe Chazal et Olivier Zegna Rata au nom du Club Galilée animent la séance.
Philippe Chazal invite chacun des participants au panel à expliciter sa vision sur l’articulation entre industries et créations. Il précise que la R&D dans le secteur est sous-dimensionnée. Deux thèmes seront développés au cours de cette séance : la question de la montée en gamme des savoir-faire et des qualifications d’une part, et les dispositifs d’accompagnement de la R&D d’autre part.
Enfin cette séance sera l’occasion pour Philippe Chazal et Olivier Zegna Rata de présenter la nouvelle initiative du Club Galilée consistant à préfigurer une plateforme inédite de services pour accompagner la R&D dans le domaine de la R&D et ainsi contribuer à la création d’une nouvelle filière industrielle dédiée à la création et la production de « formats » audiovisuels français ;initiative qui a reçu le soutien des Ministères des Finances et du Redressement Productif.
***
Jérôme Caza prend la parole en premier et explicite une relation complexe dans le secteur de l’audiovisuel entre trois entités : les auteurs, les producteurs et les diffuseurs qui ont des intérêts souvent contradictoires. Si les auteurs recherchent une part de liberté, les chaînes, elles, demandent des objectifs très précis. Dans ce schéma, le producteur occupe une place centrale, en charge à lui d’instaurer un climat créatif. Cela crée également des rapports de force complexes à gérer.
Jérôme Caza aborde la question de la prise de risques des diffuseurs qui préfèrent des formats étrangers, un catalogue de formats déjà testés. Il regrette que certains acteurs aient encore du mal à accepter d’investir de l’argent dans un pilote, dans un projet qui n’aboutira peut-être pas et qui de ce fait peut générer de la frustration. Il ajoute également que les entreprises ne sont pas assez capitalisées et que leur équilibre est fragile.
Réussir à casser ce cercle négatif semble être pour Jérôme Caza un enjeu majeur. Pour cela il est nécessaire de développer l’esprit d’entreprendre et d’adapter des dispositifs déjà existants comme le crédit impôt recherche. Il prend pour exemple le programmeOn n’est pas que des cobayes, à partir d’un concept de programme on fabrique un format.
***
Mathieu Viala fait une présentation de l’état de la fiction en France. Il affirme que la fiction a connu une crise il y a deux à trois ans qui a provoqué un décrochage des audiences. Mathieu Viala parle de crise d’identité et d’innovation.
Les producteurs français ont alors développé un complexe vis-à-vis des séries américaines. En effet la France est quasiment le seul pays a diffuser des séries US en prime time. Mathieu Viala souligne même qu’en valeur absolue il y a plus de Français que d’Américains qui regardentMentalist. Il insiste sur le fait que ce n’est pas une question d’argent investi dans la production mais de développement. En Suède ou en Israël par exemple, on produit des 52 minutes à 200 000 ou 300 000 euros.
En moyenne dans un secteur, la R&D représente 10%, en France l’audiovisuel n’investit que 3-4 % dans la recherche et développement. Pour Mathieu Viala, il est primordial de s’inscrire dans la tendance de demain et de se libérer du conservatisme français. Dans les années 70, plusieurs séries ont connu un véritable succès. Le président de MakingProd s’interroge : l’innovation s’est-elle aujourd’hui concentrée sur le cinéma ?
TF1 est le premier acheteur de fiction au monde, une rentabilité à court terme pour le diffuseur. L’Italie est le premier importateur de séries allemandes qui ne sont pourtant pas les plus faciles à doubler. Pour Mathieu Viala, la production française doit se remettre au niveau et oser davantage.
***
Olivier Zegna Rata intervient au nom des diffuseurs et plus précisément de Canal Plus. Il tient à rappeler que certains diffuseurs se montrent dans le domaine de la fiction particulièrement entreprenant. Ainsi Canal+ qui sait se donner les moyens à la fois éditoriaux et financiers pour une création et une production de séries de qualité internationale et de « formats » de séries qui donnent lieu à des saisons successives et à des adaptations à l’étranger.
Pour illustrer cet élément, Olivier Zegna Rata prend l’exemple du groupe Canal depuis l’arrivée de Fabrice de la Patellière. Il y eut d’abord une première phase de réflexions afin de répondre à la problématique d’une chaîne payante c’est-à-dire comment donner envie aux personnes de s ‘abonner à des programmes.
Selon lui, la différence se fait en s’appuyant sur une volonté éditoriale, sur l’envie d’aller chercher des sujets forts et parfois difficiles à traiter, comme c’est le cas pour la nouvelle fiction :les Anonymes. Cela est également possible avec la détermination de produire avec autant de force que les producteurs internationaux.
Canal plus seul ne peut pas investir autant d’agent que de grands groupes internationaux. C’est précisément la problématique Borgia et la nécessité de trouver des partenaires extérieurs qui viennent soutenir le projet.
***
Arnaud Druelle ensuite nous présente l’activité de Cap Digital, pôle de compétitivité qui réunit trois domaines : industrie, médias et R&D. Cap Digital s’occupe de la R&D dans le domaine digital et se concentre sur l’aspect disruptif des projets auxquels sont intégrés des problématiques de multiréseau, multitasking et de consommation délinéarisée. Arnaud Druelle précise que les dispositifs d’aide R&D ne sont pas toujours connus par les utilisateurs.
En ce qui concerne le digital, la mise en place de nouvelles modalités de diffusion permet de développer la notion d’expérimentations car il est possible de récolter des informations sur la façon dont les personnes consomment les programmes. Cela permet aussi de ce fait de s’adapter en continu à la situation actuelle pourtant très changeante. L’enjeu est ainsi de voir dans quelle mesure les innovations peut s’adapter à l’univers médiatique.
Pour Arnaud Druelle, il faut avant tout savoir pourquoi on fait de la R&D. Dans ce contexte Cap Digital intervient sur deux aspects : l’accompagnement des acteurs et la valorisation de la technologie d’une part ; la mise en place de levée de fond d’autre part. Arnaud Druelle note qu’il y a une certaine réticence des investisseurs car il s’agit d’actifs immatériels. Ils recherchent en priorité des business dit scalables. Une notion qui peut s’envisager pour le format où il faut fournir un grand effort au début.
***
Laure Casalini nous présente l’école de jeux vidéos Supinfogame. Laure Casalini explique que l’industrie du jeu vidéo est une industrie de l’innovation. Les plateformes ne cessent d’évoluer et les contenus sont protéiformes. Le jeu vidéo s’installe également dans d’autres secteurs que celui du divertissement. Le secteur du jeu vidéo est un secteur exemplaire en matière d’articulation entre industries et créations.
Nous savons qu’avec la R&D, la question de la formation est centrale pour le développement d’une filière industrielle en particulier quand il s’agit d’innovation.
A Supinfogame, les enseignements sont réalisés par des professionnels, ce qui permet d’être toujours dans l’actualité et au contact du monde du travail. Il y a aujourd’hui des nouvelles problématiques. Les modèles existants ne sont pas forcément des modèles d’avenir, ce qui nécessite d’ouvrir les esprits des étudiants à toutes ces nouvelles tendances.
Dans l’univers du jeu vidéo, on cherche perpétuellement à améliorer les outils, à innover en terme d’interactivité, de qualité d’image. Ces éléments sont facilement transposables à des problématiques de R&D sur les formats audiovisuels. En effet, la grammaire interactive peut s’appliquer sur d’autres disciplines que celles du jeu.
***
Philippe Chazal clôt la séance avec la présentation de la plateforme multiservice destinée à amplifier la R&D dans le domaine des formats. Nous en sommes à la phase de préfiguration.
Le constat est sans appel : 80 % des formats en France sont des adaptations. La France est absente de cette industrie des formats et de ce marché international particulièrement dynamique des formats.
La plateforme multiservice soutenue par le ministère des finances et le ministère du redressement productif a pour but de former et d’accompagner les acteurs actuels et futurs de l’audiovisuel et du numérique dans la création de formats ; elle s’adresse à tous les acteurs de ces secteurs, et notamment aux producteurs.
Ce projet de nouvelles plateformes a aussi pour ambition de rééquilibrer la balance commerciale, de renforcer la structure du tissu des PME et TPE majoritaires dans ces secteurs, de conforter l’emploi et de faire monter en gamme les qualifications.
Ce projet porté par le Club va mener trois types d’actions :
- Actions de formation : la création de « formats » nécessite des compétences spécifiques qu’il faut développer en France.
- Actions d’incubation pour accompagner le développement de la R&D en formats.
- Actions d’expérimentations sur les marchés étrangers.
Cela permet aussi d’insister sur les dimensions industrielle et entrepreneuriale du secteur. Car, s’il est impératif de connaître et de défendre les spécificités du secteur audiovisuel, il reste cependant primordial de le considérer comme un secteur comme les autres, et qu’il puisse ainsi bénéficier de dispositifs généraux soutenant la création, en étant un secteur capable d’innovation.
***
Le Club Galilée organise une prochaine séance le lundi 18 février dans le cadre de la Social Media Week dont il est partenaire. Autour d’exemple de programmes intégrant les réseaux sociaux dans leur communication mais aussi dans leur contenu éditorial, nous présenterons des dernières évolutions de la Social TV.