Télévision connectée IV (Séance du 19/09/2011)
Synthèse des réflexions sur la télévision connectée et ses enjeux en matière de diffusion et création audiovisuelles. En avant première, les problématiques de la commission sur la tv connectée, mandatée par le ministère de la culture et de la communication.
Philippe Chazal souhaite une bonne rentrée à chacun et associe le Club et ses membres à l'hommage rendu à trois professionnels de l'audiovisuel disparus la semaine avant dont deux Alain Vautier et Philippe Herpin étaient membres du Club.
La séance débute par un rappel des prochains tables rondes du Club Galilée : en octobre une séance consacrée aux nouveaux modes d'information et en novembre un point sur les modèles économiques des médias.
Le club Galilée a fait de la télévision connectée un axe central de ses travaux de réflexion sur 2010/2011 ; il a été le premier lieu à ouvrir la réflexion sur ce thème ; dès l'automne de l'année dernière ; il consacre aujourd'hui une quatrième séance à un état de lieux et aux enjeux de la télévision connectée.
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Le Club Galilée a le privilège d'accueillir Marc Tessier membre de la commission chargée par le Ministère de la Culture et de la Communication d'une réflexion très large sur la « tv connectée ».
Le Club et ses membres vont ainsi bénéficier en avant première des réflexions portées par la commission.
Marc Tessier nous rappelle qu'il y a tout d'abord un premier débat autour du sujet : faut-il parler de télévision connectée au singulier ou au pluriel ? L'univers est-il fermé ou ouvert ?
Deux questions majeures encore ouvertes. Cette mutation de la « tv connectée » se fait dans un contexte où le pourcentage de foyers utilisant le mode non linéaire de consommation audiovisuelle augmente ; de même l'interconnexion des terminaux est croissante. Dans cet univers, le consommateur veut pouvoir choisir lui-même l'organisation de ses programmes ; il souhaite aussi que l'utilisation soit simple.
La commission s'interroge sur la façon dont cette mutation radicale peut être anticipée et fait d'emblée un constat : le nombre d'acteurs majeurs n'a jamais été aussi élevé sur la même scène. La présence de multiples acteurs français mais aussi étrangers induit deux problématiques : comment trouver un équilibre entre la neutralité des réseaux et les modes d'intégration verticale, d'une part, et comment maintenir un mode d'innovation dans un univers où on essaye d'éviter la fragmentation des offres.
Valoriser les œuvres en les rendant exclusives est nécessaire dans un monde de concurrence mais cela conduit également à une fragmentation de l'offre. Entre les deux, il est clair, qu'un équilibre reste à trouver.
Marc Tessier évoque les trois points sur lesquels la commission travaille. Tout d'abord, il est important de bien analyser les positions des différents acteurs afin d'éviter des déséquilibres trop flagrants et des positions de dominance durable. Ensuite, il faut absolument éviter une fragmentation trop grande qui empêcherait le succès des services qui sont lancés.
Pour expliciter cet argument, il prend l'exemple de la vidéo à la demande (VOD), un secteur dans lequel, les marques restent très liées à l'appartenance à un réseau. Pour les Français, personne n'incarne aujourd'hui la VOD tant les offres et les produits sont différents et fragmentés.
Enfin, la commission précise qu'il faut encourager des initiatives communes en termes de normalisation bien entendu mais aussi concernant les pratiques du marché. Permettre aux acteurs économiques de se concentrer est, selon Marc Tessier, un moyen d'obtenir des résultats probants. Plutôt que de « corégulation », il préfère parler de dynamique sectorielle.
A la fin de son intervention, Marc Tessier ajoute quelques mots au sujet de la création qui doit rester un moteur. Il ajoute que le dispositif actuel est un dispositif à rendement décroissant. En ce sens, il faudrait donner un coup de rajeunissement au système du CNC.
Mathieu Viala, producteur et membre de l'USPA, réagit et attire l'attention sur la nécessité de réfléchir à ce que représente une œuvre audiovisuelle chez les opérateurs qui se sont aujourd'hui diversifiés. En matière de financement, l'Europe se distingue des Etats Unis car l'enracinement sur un territoire national fait des groupes des majors nationales.
Marc Tessier ajoute trois éléments essentiels : l'innovation qui doit conduire à la mise au point de nouveaux services, la normalisation qui permet d'éviter une trop grande fragmentation et l'utilisation simple et facile de la télévision connectée pour les consommateurs. Il explique également que ce qui avait été annoncé comme un « tsunami » est davantage à ses yeux une évolution radicale certes mais progressive qui vient répondre à de nouveaux usages télévisuels constatés chez le consommateur.
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La parole ensuite à Christophe Muller pour nous parler de la stratégie de Google. Il souhaite faire un état des lieux au sujet de la Google TV. A ce sujet, il rappelle que la Google TV est une plateforme pour les téléviseurs connectés ouverte sur le web qui fonctionne avec une technique Androïd et un navigateur Chrome. Elle a été lancée l'année dernière aux Etats Unis avec un réseau de partenaires. L'ambition aujourd'hui de Google est de parvenir à produire des devices moins chères et travailler sur des puces pour élargir la gamme.
Une version 2 est en préparation et sera lancée aux Etats Unis d'ici la fin de l'année. Elle permettra une expérience utilisateur simplifiée et une ergonomie plus conviviale. Deux améliorations majeures par rapport à la première version.
Il annonce de plus le lancement de Androïd Market, un département d'applications mises au point par des développeurs mais prévient qu'il n'existe pas aujourd'hui de modèle économique de la Google TV. « On cherche à s'inspirer de, ce qui s'est passé avec Androïd sur le téléphone. » Beaucoup de choses restent encore à faire, la Google TV n'a pas encore été lancée en Europe et Christophe Muller précise qu'il serait ravi de revenir au club Galilée faire un retour d'expérience une fois que la plateforme sera lancée sur le marché français.
Google s'appuie sur une logique de partenariats auprès des opérateurs et des distributeurs. On peut penser à des applications payantes, à une publicité plus personnalisée comme possibles sources de financement.
Christophe Muller tempère néanmoins en répétant que c'est simplement le début et que tout est à faire. Il évoque lui aussi l'univers de la télévision connectée et la question de savoir s'il sera ouvert ou fermé. Dans le contexte de la Google TV, on s'interroge sur comment exister dans cet univers. Il y a trois pistes de réponses : à travers le référencement, les applications et l'exclusivité de certains contenus.
Christophe Muller peut d'ores et déjà nous dire quelques mots sur l'expérience de la télévision connectée aux Etats Unis. Les contenus audiovisuels sont les premiers demandés. Comment se déploient-ils et comment sont-ils consommés ? Aujourd'hui, les applications les plus téléchargés sont sans surprise Youtube et Netflix. Les marques fortes permettent de fédérer derrière elles des contenus ou des chaînes, la notoriété joue un rôle primordial.
Robert Eusèbe prend la parole au nom d'Arte France et rebondit sur le modèle économique avec la publicité qui a été évoqué. Il interroge Christophe Muller précisément à ce sujet : « comment pouvez-vous garantir le respect de la vie privée de l'utilisateur ? » Ainsi comment éviter que ce qu'il a vu, commenté ou téléchargé ne deviennent les éléments d'une publicité qualifiée qui réalise un profil toujours plus détaillé du consommateur ?
Christophe Muller répond qu'il existe déjà un outil, Google Dashboard, qui donne au consommateur la possibilité de contrôler les informations qui sont communiquées à son sujet (avec des systèmes d'opt-in ou opt-out notamment). Ces outils sont aussi une manière d'aider le consommateur à construire son univers personnalisé et enregistrer ses applications favorites pour une My Google TV.
De plus, la Freebox possède déjà beaucoup de services que l'on retrouve dans la télévision connectée. La France est notamment le 2ème marché IPTV au monde. Fort de cette constatation, Christophe Muller explique qu'une alliance avec Free serait possible, il faut essayer d'avoir une norme. Pour la Google TV en France, tout est à venir.
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Ludovic Manigot, directeur d'ePerf consulting, centre son intervention sur le référencement. Si cette problématique est propre au web, il n'en reste pas moins que des techniques de référencement seront des enjeux de la télévision connectée.
En guise d'introduction, il rappelle que Google, c'est tout simplement 95% de part de marché en Europe. En conséquence, si un site internet veut exister, il est absolument vital qu'il soit bien référencé sur Google.
Les sites d'actualité, par exemple, ont compris cet enjeu et cherchent à optimiser le référencement à travers trois critères pris en compte par l'Algorithme de Google :
• l'accessibilité
• la performance
• la popularité (la qualité dont le site est lié à d'autres)
Ce travail est particulièrement utile car en France « des sites bien référencés réalisent un trafic de plus d'un million de visites par jour », explique Ludovic Manigot.
Google a de plus développé un service qui met en avant les sites d'actualité, Google actualité. Cela permet d'envoyer gratuitement vers les sites beaucoup de visites par jour.
Cette technique diffère un peu du référencement naturel et se base sur la pertinence des mots-clés utilisés par les journalistes.
Il y a également une approche sémantique et technique à prendre en compte. L'affaire DSK a par exemple provoqué l'émergence de mots clés tels que « direct » ou « live ».
Enfin, les réseaux sociaux participent eux aussi au référencement des sites en introduisant la notion de popularité d'un article, c'est à dire que plus un article est plébiscité, plus il aura de la pertinence dans le moteur de recherche et plus il sera affiché haut sur la page de résultats.
Ludovic Manigot conclut en disant qu'on peut imaginer pour les contenus audiovisuels de la « Tv connectée » les mêmes règles de référencement sur la Google TV que celles qui viennent d'être explicitées pour les sites d'infos ; donc une technicité parfaite, un contenu de qualité, un flux et sans oublier un élément social, la popularité, encore un peu difficile à maîtriser aujourd'hui.
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Frédéric Pie fait un point sur la télévision connectée du point de vue d'une web agency. Sa société accompagne les acteurs de contenus vers les nouveaux écrans et développe des outils technologiques et des services, des « applis » en d'autres termes.
Les éditeurs d'internet cherchent à être présents sur la télévision connectée ce qui nécessite de produire des vidéos et de les rendre interactives afin que le consommateur puisse les voir mais aussi les commenter. Le genre d'origine du média est dans ce cas complétée avec des vidéos ; pour ce faire les médias s'équipent de studios (c'est déjà le cas pour leFigaro.fr par exemple)
Frédéric Pie explique que les deux indispensables de la télévision connectée sont la Catch up (ou télévision de rattrapage) et la VOD.
La vidéo à la demande est répartie de la manière suivante : 10% sur le web et 90% sur la télévision avec des bouquets de chaîne ou des offres spéciales ; on mesure alors l'importance qu'elle a prise dans les pratiques télévisuelles. La Catch up, elle aussi, est devenue un usage généralisé chez le consommateur.
Il aborde dans un second temps la question technologique. Les fabricants de télévision sont mondiaux et les opérateurs de télévision nationaux et il n'existe pas un seul standard car les technologies de développement ne sont pas normalisées. Dans ce contexte, avec quel constructeur travailler sachant qu'une application pour télévision connectée coute entre 5000 et 50 000 euros à l'éditeur ? Le choix peut s'avérer compliqué même si l'on sait que des technologies compatibles sont développées.
Frédéric Pie rappelle en outre que le passage à la télévision connectée n'est pas aussi simple pour tous les acteurs du web.
Ainsi des éditeurs majeurs tels que Price Minister ou Ebay cherchent à résoudre le problème de l'interactivité qui pour le moment n'est pas optimisée ; en effet les télécommandes ne sont pas, à ce jour, pas très maniables.
Cet exemple permet de souligner que l'ergonomie sera un élément déterminant pour le consommateur. Frédéric Pie insiste sur le fait qu'il faut être vigilant et ne pas produire des services déceptifs.
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Gabriel Guéguin clôt la séance sur la télévision connectée avec une présentation toute en images de contenus innovants sur iPad.
Ces nouveaux formats donnent un aperçu de ce qu'on peut espérer voir prochainement sur nos téléviseurs connectés. Il s'agit tout d'abord d'une plus grande interaction entre tous les types de contenus et une hybridation entre les typologies de contenus c'est à dire un mélange entre vidéo, photo et rédactionnel comme c'est le cas pour le magazine Project. La frontière entre l'image et le texte devient ténue et la disposition change en fonction de ce que l'éditeur veut mettre en valeur.
Dans cet univers, aucun contenu n'a une architecture similaire. Le risque pour l'utilisateur est de se perdre dans la masse d'information. On constate généralement que la navigation entre les articles se fait de manière horizontale et on accède à plus de détails sur un sujet en se dirigeant verticalement ; une tendance qui semble s'imposer pour ce qui concerne le rédactionnel.
Un autre exemple de contenu est donné avec l'application Flipboard qui fonctionne comme un agrégateur (comme netvibes par exemple) mais n'adopte pas le flux RSS. Ce programme met en forme les contenus de la personne de manière innovante avec un agencement semblable à ceux des sites d'information.
Gabriel Guéguin note aussi que l'iPad est déjà un appareil connecté qui génère de l'interaction avec l'utilisateur. Plusieurs usages ont lieu simultanément. En ce sens, il préfigure le multi-écrans et ce que l'on peut imaginer voir apparaître sur la télévision connectée.
En conclusion, cette séance a permis de sensibiliser les esprits au caractère radicalement nouveau de l'univers qu'ouvre la perspective de la « tv connectée » ; nous pouvons considérer que « google tv » représente cet univers ouvert que pourrait être la « tv connectée » ; dans ce nouveau monde la clé du succès ce sera des contenus audiovisuels séduisants ; mais il ne faudra pas oublier l'importance du référencement, de l'ergonomie et de l'interactivité ;enfin on peut déjà rêver à ce que nous offrira la « tv connectée » en matière de contenus en allant sur l'IPAD.